Tentation de la pêche à vue




La pêche à vue est une technique qui ne provoque pas vraiment d’engouement. Elle est en rupture avec les habitudes de la plupart d’entre nous et s’accommode mal de notre matériel. Moins convenue et assurément plus sportive, elle a pourtant son charme ! Prendre une carpe dans un mètre d’eau ajoute encore à la magie de notre pêche. Laissez de côté votre lourde panoplie et oubliez tous les vieux adages l’instant d’une sortie ! Cette approche offre l’opportunité de capturer des poissons difficiles dans des endroits tout aussi difficiles. De quoi donner une impulsion nouvelle à la traque des carpes… mais aussi des silures ! Alors dépoussiérez une canne puissante et partez avec un sac au dos !


Elle n’attend qu’un bout de pain en surface…



Durant mon enfance, j’ai trop entendu un refrain : «Lorsque l’on voit le poisson, on ne le prend pas». Dans l’ensemble, ce vieil adage a tendance à se vérifier. En cherchant bien, on peut en découdre avec ces carpes qui, par temps de capot mémorable, nagent sous nos scions sans vergogne ! La pêche à vue est une pratique quasiment inexploitée qui ne demande pourtant que peu de moyen : de l’observation, de la patience, de la discrétion, une canne robuste et enfin un peu de dextérité.

C’est grâce à elle que gamin, j’ai obtenu mes premières prises. Je me souviens justement d’un soir : je pêchais avec une batterie pourrie de 3 cannes (ma première batterie ). Toutes les cannes étaient eschées de billes à la fraise affreusement surdosées d’arôme. Dans la reculée de l’étang isérois profond de 70 cm, les carpes boudaient mes appâts. Elles étaient très facilement observables dans les lueurs du soleil couchant. Le soir venu, leurs dorsales trahissaient encore leur présence à quelques mètres de moi. La règle d’or dans de telles conditions : une discrétion à toute épreuve ! Avec ma 4 ème canne (très fine de 2,40m) je décidais enfin de tendre un piège à l’endroit où passaient le plus souvent les « grosses taches sombres ». Ce dernier prenait la forme d’un panaché vers/maïs doux... Quelques carpes boudeuses cheminaient paisiblement et puis tout à coup, l’une d’elle stoppa distinctement, poil poil sur la poignée d’amorçage…Une grande queue jaune brisa alors la surface. La carpe, à la verticale, aspira… Je prenais ce soir là l’un des plus gros poissons de ma vie (à l’époque !): une miroir de 2kg ferrée à vue. C’est curieux mais les premières prises -pourtant modestes- imprègnent beaucoup plus ma mémoire que les carpes d’aujourd’hui…comme quoi la pêche n’est pas une affaire de kilo.

La pêche à vue est assurément une sensation à vivre ! Après un petit ferrage sec et quasiment immédiat, j’ai eu le réflexe d’exercer une pression soutenue. L’issue du combat se joua assez rapidement. Les appâts naturels se révèlent vraiment efficaces dans le cadre du « stalking ». Si le peuplement piscicole n’est pas envahi de poissons chat et de perches naines, vous pouvez opter pour un gros lombric ! Nous avons tendance à les oublier et pourtant ils font des merveilles.



L’ami Braco ne s’est pas raté, il sort une 16,9kg des branches…
Il fallait tenter le coup !



On ne pense pas assez souvent à exploiter les deux premiers mètres de berges. Sans doute trop conditionnés à exploiter la puissance de nos cannes, nous passons à coté de quelques belles pêches du bord. La capacité de lancer est une chose mais le flair et la réactivité, ça compte aussi ! Je ne vous apprends rien… à l’œil nu, on aperçoit parfois des carpes sous un saule ou sous un tas de bois plongeant. La pêche à vue au pain par exemple, permet d’aller au devant de ces poissons qui flânent à portée de canne, soit à fond, soit en surface.

C’est une vrai traque sportive qui nécessite une bonne paire de lunettes polarisantes, un matériel discret et puissant. Dès la touche, la canne arc-boutée doit maintenir le poisson le plus près possible de la surface car le réflexe naturel du poisson de se réfugier dans un obstacle peut valoir beaucoup de casses. C’est un moment de vive émotion ou de sèche frustration ! Il faut souvent pomper sans état d’âme et contenir ses mouvements. Il est essentiel d’absorber les coups de tête du premier rush. Si les poissons ont une bouche très fragile, cette technique est bien sûr déconseillée car totalement inopérante et mutilante.


Bouillette flottante de 14 mm volontairement « croquée », hameçon de 6,
petit plomb équilibrant…
Le pain est en surface et finit par laisser tomber ses miettes…
La bille pêche à fond, 60 cm dessous.



En terme de pêche à roder, il reste beaucoup à inventer. On peut se tourner vers une magique ball à base de chènevis, une bouillette flottante de 14mm ou du maïs doux à dose homéopathique. L’eschage de délicats grains de maïs ne présente pas de risque de décrochage puisque le lancer n’en est pas vraiment un, il s’agit davantage de déposer habilement le montage au bord, le plus souvent dans un mètre d’eau.

Le plomb doit être léger et l’on peut même imaginer pêcher sans, en surface. L’approche est très agréable et souvent très payante pour peu que vous connaissiez les coins où les carpes se font régulièrement dorer la pilule dans 80 cm d’eau. C’est tellement plus grisant d’aller au-devant du poisson ! Je crois que nous sommes beaucoup à avoir des progrès à faire dans ce sens. Il y a certainement non loin de chez vous un étang belge où une koï, un amour ou encore une miroir coopérante peut se laisser gruger sur une bordure.



Les silures longent la végétation aquatique des berges.
Lors de la reproduction des blancs, ils peuvent entrer carrément dedans !
Avec un peu de chance, on peut les pêcher à vue.



On a tous lu des articles sur le stalking, la pêche à vue ou à roder de la carpe. L’avenir est peut être à la traque active du silure… Laissez moi vous parler des gros matous de rivière. Ils sont presque totalement « invisibles », n’est ce pas ? Certaines années se produit pourtant un phénomène passionnant qui me fait souvent arriver très en retard au boulot ! Il m’arrive d’observer de 5 à 8 heures du matin, au début du mois de juin, des silures qui trahissent leur présence. Ils sont tapis dans l’ombre de quelques hectares de nénuphars, sur un haut fond de Saône. Dans seulement 90 cm d’eau, ils attendent que les gardons passent devant leur gueule avant de les aspirer avec une violence inouïe.

Ce spectacle est magnifique et captivant ! Les gardons rassemblés frénétiquement en banc frayent à quelques centimètres des silures prêts à les gober par dizaine. L’eau semble dormir mais la chasse se prépare… les glanes se positionnent lentement et puis soudain un rush surpuissant déchire la surface ! Le silure a fermé la gueule en effectuant simultanément une rotation de tout son long. Au moment de l’attaque, l’eau jaillit et puis devient marron sur 2 mètres carrés, quelques nénuphars sont cassés. Au bout de quelques minutes, les sédiments retombent, le silure trouve une autre planque dans un coin stratégique et le manège recommence… Dès que les rayons du soleil frappent trop fort, en début de matinée, les glanes quittent la zone et rejoignent les profondeurs… moi-même, je quitte la zone pour me rendre au boulot avec une heure de retard !

J’ai trop observé cette chasse pour en rester là… Je vais tenter ma chance au printemps en dandinant un petit poisson dans une trouée de végétation, près du sujet repéré… à vue et à quelques centimètres du glane avec le cœur battant très fort. Si la pêche est une histoire de rêve, je compte bien exaucer celui-ci et vous en faire part prochainement !
Publié par Romaric le 15-01-2005
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