Pensée intime d'un concepteur d'appâts (partie 1)




Le commencement

L’élément perturbateur (qui fait qu'aujourd’hui j’en suis là) est survenu lors de ma deuxième saison de traque sur les eaux du plat pays. Un beau jour, qui me semblait à son lever pas tellement différent des autres d’ailleurs, je fis la connaissance d’un autre carpiste. Cette rencontre au bord de l’eau je ne l’oublierai jamais, elle m’a marqué à vie ! Les paroles que j'entendis étaient tout simplement fantastiques. C’était la première fois que j’apprenais que fabriquer de bons appâts soi-même était possible. J’en avais la preuve, là sous mes yeux et je rêvais déjà de faire pareil. Après avoir passé la journée en compagnie de ce très bon pêcheur, j’avais une fois de plus pu élargir mes connaissances, ce qui dans notre passion est le sens même de notre motivation c’est en tous les cas comme ça que je le vois. Apprendre sans cesse est ce qui me permet d'imaginer de nouveaux horizons et c'est ça qui me plaît! L’histoire peut commencer …

J’avais fait un choix, et c’était le bon, réaliser des appâts moi-même était quelque chose qui me semblait jusqu'à présent inconcevable, et là tout d’un coup ce fut le choc, c’était comme un rêve qui se réalisait. De plus le sentiment que procure la prise d’une carpe avec son propre appât est inexprimable. C’est vraiment le must !!! Mais comme beaucoup de carpistes le savent, au début ce n’est pas si facile, on ne sait ni où donner de la tête ni par où commencer.

Voilà comment j’ai procédé à mes débuts. La première étape consistait à trouver et rassembler un maximum de documentation et vu la situation dans laquelle je me trouvais je n’avais pas énormément de choix. J’étais tout seul dans mon trip et c’était donc seul que je devais l’affronter. D’abord il me fallut chercher quels types de farines possédaient des caractéristiques et propriétés intéressantes pour pouvoir réaliser un bon mix et parallèlement à ça, un appât complet.

J’analysais vraiment tout ce qui me tombait sous la main ! De plus étant de nature à ne pas faire comme tout le monde ou de suivre l’effet de mode (comme ceux qui par exemple ajoutaient tel ou tel type d’ingrédient sans savoir pourquoi dans leur mix) il me fallait vraiment faire des recherches assez poussées et comprendre le pourquoi du comment !

Après avoir fouillé, je pouvais enfin me faire une petite idée de ce que pouvait être une bonne bouillette complète composée de bonnes farines et ingrédients !
Celle-ci était composée de :

Soja gras grillé : 200 g
Farine de maïs : 200 g
Caséine : 100 g
Sluys CLO (Birdfood) : 100 g
Albumine d’oeufs : 50 g
Polenta : 250 g
Farine de hareng : 100 g

A ça j’ajoutais 8 oeufs et 50 ml d’huile de sardine.
Voilà ce qui se passait …




Première victoire avec mes propres appâts

Le jour-j est arrivé, lorsque j’avais terminé de rouler mes premiers 20 kg de mix, je pouvais enfin aller à la pêche et jouer au testeur. J’étais impatient de voir ce que ça allait donner.
Rouler ces 20 kg de mix était plus que pénible, surtout avec une simple petite table et un simple pistolet à main, mais ça c’est une autre et ennuyante histoire !
J’avais le pressentiment que ma recette allait fonctionner. Vous vous demandez sûrement pourquoi !? Et bien je vous répondrai que c’est sûrement parce que je n’avais comme dit plus haut pas fait comme tout le monde, c'est-à-dire taper quelques farines comme ça au petit bonheur la chance ! J’avais tout d’abord recherché les caractéristiques de chacune des farines qui allaient composer mon mix. Petit aperçu !

(Soja Gras Grillé)
En premier lieu je suis tombé sur cet ingrédient, ce qui me frappa de suite dans mes infos à propos de cette farine c’était qu’elle était très complète au niveau des apports nutritionnels et ce pour une farine d’origine végétale, c’est plutôt rare ! De plus j’entendis d’autres “rouleurs” dire que c’était une farine très importante et à utiliser !
Le seul bémol de cette farine, tout comme à beaucoup d’autres farines, c’était sa fraîcheur ! Il fallait que je me procure des farines fraîches et tout particulièrement celle à caractere fort variable. Très vite je me rendu compte que la qualité (= donc la fraîcheur) était primordiale.

En fin de compte je me suis retrouvé dans un moulin du coin qui chaque semaine pour une grande société devait moudre et griller une grande quantité de grains de soja.
La raison pour laquelle je choisis plutôt le soja gras grillé de son frère jumeau qui n’est pas gras et non grillé était simple. De un le soja gras grillé contient des acides gras polyinsaturés et de deux il a un taux de fibres supérieur à son frère, pas si jumeaux que ça alors ?!


Autre plus, c’est que sous cette forme la quantité et la qualité des protéines sont irréprochables, un soja de bonne origine sous la forme « gras – grillé » contient environ 40 % de protéines. Et pour couronner le tout cette version (grasse et grillée) est meilleure au niveau de la digestion. Ce petit plus non négligeable lui vient grâce à l’étape où le grain est grillé! La réaction produite à ce moment actionne certaines fibres et ce sont ces dernières qui font que l’on obtient un genre d’ingrédient “enzyme actif”.


De jolis grains de soja.



(Farine de Maïs)
Ici aussi je suis tombé de haut en ce qui concerne les différences de fraîcheur qu’il peut y avoir ! Par hasard, ou plutôt par chance je suis à nouveau tombé chez le même meunier où j’allais déjà chercher mon soja !
Il avait aussi une superbe qualité de farine de maïs. Elle n’était pas moulue trop fine, ce qui me convenait parfaitement. Au niveau apport nutritionnel la farine de maïs est assez neutre.
Cette farine je l’avais surtout choisie pour augmenter les propriétés nécessaires à un bon fonctionnement du mix (farine de base). En plus elle augmentait la structure, et activait la perméabilité de ma boule.




(Caséine)
A l’époque où je commençais à rouler mes bouillettes, la caséine était l’ingrédient HOT du moment !

La plupart des carpistes qui confectionnaient leur bouillettes ajoutaient à leur mix de la caséine juste pour pouvoir dire qu’ils en avaient dans leur appât !
Presque tout le monde à qui j’ai demandé pourquoi ils en incorporaient dans leur recette était incapable de me répondre ou alors ils tournaient la tête pour ne pas montrer leur méconnaissance et faire comme si de rien n'était.

En tout les cas, j’étais un jeune garçon motivé et passionné qui voulait savoir ! Je partis donc fouiller, une fois de plus la bibliothèque à la recherche d’indices.
Après avoir lu plusieurs chapitres d’un bouquin qui parlait de tout les produits dérivés du lait je pus tirer plusieurs conclusions et cette petite poudre avait donc bel et bien quelques caractéristiques suspectes et intéressantes qui méritaient d’être regardées de plus près.

A première vue, il était dit que les protéines contenues dans cette farine étaient les meilleurs que l’on puisse trouver. Seulement il paraissait aussi que l’ingrédient lui même était très cher.

Mais après avoir effectué quelques calculs et avoir passé réellement tout à la loupe, je pris la décision de quand même essayer ! De par des échos, je sus qu’ici aussi il était difficile de trouver une caséine fraîche. Mais c’est après avoir téléphoné et demandé partout que je me suis retrouvé chez un livreur qui vendait exclusivement de la caséine, cette dernière était originaire du Danemark. Lorsque l’ingrédient se trouvait entres mes mains je pus clairement faire la différence avec ce que nommait les magasins de pêche « caséine » !
Celle-ci était d’un blanc pétant, et elle était très fraîche, on pouvait le voir ou plutôt le sentir c’était flagrant, l’odeur que la poudre dégageait ne m’était pas inconnue. On aurait dit que sous votre nez se trouvait du lait non pasteurisé, vraiment impressionnant la différence ! Ce produit je l’avais surtout choisi pour son taux de protéines et son profil en acides aminées (Plus d’info sur les AA voir suite).
Mais ce n’était pas tout, j’avais aussi choisi de compléter mon mix avec de la caséine pour donner à ma bouillette une certaine solubilité tout en gardant une bille résistante mais qui diffuse bien, c’est d’ailleurs la farine la plus adaptée à cet effet !

(Sluys CLO)
Suivant la logique de l’époque (et aujourd’hui encore) il me fallait aussi incorporer un peu de birdfood dans ma recette. Ajouter des fibres, pour compléter le régime alimentaire des carpes était un plus et en toute saison. A la recherche des différentes marques qui existaient, et en les comparant les unes aux autres, je remarquai très vite qu’il y avait des marques qui sortaient du lot, comme bien souvent ! Le pâtée aux œufs jaune de chez Cédé et le Sluys Clo étaient mes 2 finalistes !
Mais très vite mon choix fut pris, le Sluys Clo sortait gagnant et non le Cédé et ce juste parce que le Sluys Clo était lié avec de l’huile de foie de morue, une huile très complète pleine de bonnes choses. De plus ce birdfood avait une bonne granulométrie et même après la cuisson il restait dur, effet crunch garanti.


Voici un autre birdfood, c'est de la pâtée aux oeufs rouges de chez Cédé



(Albumine d’oeufs)
Ici je me suis pris une claque.
Il semblait y avoir différentes farines d’albumine d’oeufs sur le marché !
Et comme je n’y connaissais rien j’ai du une fois de plus me lancer dans des recherches pour trouver un maximum d’info et non de l’intox. Suite à mes trouvailles, j’ai été agréablement surpris, et ce du faite que la meilleure production d’albumine d’œufs se trouvait aux Pays-Bas (je vis aux Pays-Bas). Sa qualité et sa fraîcheur étaient top et même reconnues, on lui avait attribué le surnom de qualité japonaise ! Pourquoi japonaise, et bien c’est tout simplement parce que 80 % de la production était exportée au japon.

Très vite, je me rendu compte, comme il est dit plus haut, que ça réputation n’etait plus à faire! Cette farine durcissait la bouillette d’une façon surprenante et en plus la farine était totalement soluble.




(Polenta)
La farine de polenta je l’avais surtout choisie, tout comme la farine de maïs d’ailleurs, pour augmenter les propriétés nécessaires au bon fonctionnement du mix.
Mais cet ingrédient possède un deuxième atout, c’est celui de bien diviser le fonctionnement mécanique de la bouillette.
La polenta n’est en faite que l’intérieur du grain de maïs mais moulu.
En ce qui concerne l’apport nutritionnel et les fibres, cette farine n’est vraiment pas intéressante mais elle l’est bel et bien pour finaliser le mix, c’est vraiment une farine de base à utiliser !




(Farine de hareng dannoise)
Si nous retournons de 10 à 12 ans dans le passé dans les magasins de pêche on considérait la farine de hareng comme la meilleure des farines de poisson. Beaucoup de personnes désiraient obtenir cet ingrédient de choix mais il y avait un mais. Le problème de ce fishmeal était de savoir s’en procurer. Peu de magasins avaient du stock, et lorsqu’on avait la chance d’en trouver la farine était souvent de piètre qualité. Mais rien ne m’arrête, cette farine je la voulais et après avoir cherché un peu partout sans résultat même dans les magasins de pêche des alentours, je commençais tout doucement à désespérer. Et soudain, le miracle surgit, tout à fait par hasard j’appris que non loin de chez moi existait une sorte d’animalerie mais plus grossiste et spécialisé dans la vente de produits pour le gros bétail. Ni une ni deux, je pris contact avec la boîte et à ma grande joie, il avait de la farine de hareng originaire du Danemark (encore), et de la farine de hareng fraîche ça ne passe pas inaperçu, c’est facilement reconnaissable ! Tout d’abord sa couleur, comme on pourrait le croire de la farine de hareng n’est pas brune mais plutôt entre un vert foncé et un brun foncé. La deuxième astuce pour vérifier si la farine est bien fraîche c’est d’essayer de brûler un gramme ou deux de farine, si ça fume tout de suite, c’est bingo, vous avez une farine très fraîche. Ce petit test très simple est quasi valable sur toutes les farines de poisson, excepté les farines de poisson fort travaillées du type Pre Digested Fishmeals, L-Zero 30 etc.
(Mais nous en reparlerons plus tard)




Conclusion de mon mix

En tous les cas pour un jeune débutant, je pense que la plupart d’entre vous qui ont une certaines en matière en matière de mix maison, pourrez constater que le mix n’était pas des plus simples. Une fois mon mix réalisé, j’étais tout heureux, et en meme temps un peu stressé. Il restait une grande question dans ma tête ! Allais-je prendre et continuer à prendre des carpes avec ces bouillettes ? Très vite, déjà lors de ma première pêche, la pression qui stagnait dans ma tête s’était évaporée. La première de mes longues séries de belles carpes avait vu le jour. Mes efforts étaient récompensés, lors de mes rêveries où je flottais sur mon petit nuage et non sur l’eau je ne pensais déjà plus qu’à ça !
Ce mix combiné à quelques oeufs et à un peu d’huile de sardine sera au final un appât qui prendra des carpes partout et tout le temps. C’est un mix qui se roule aussi facilement, et qui sent agréablement bon ! J’ai facilement pêché 5 ans avec ce même appât et ce un peu partout et plusieurs fois sur de mêmes eaux où je pêchais régulièrement et les carpes ont toujours répondu présente face à mes appâts.

L’évolution d’un appât

Année après année je me plongeais de plus en plus dans ma cuisine et ma petite planète, tout ce qui y touchait de près ou de loin était devenu partie intégrante de ma vie !
Au fil du temps je fus même plus accro et passionné par le monde des appâts que par celui de la traque des carpes, une réelle obsession !
Le temps passe et je rentre alors en contact avec de nouveaux ingrédients et de nouvelles formules qui me permettront de comprendre énormément de choses.
De plus je commençais a toucher en long et en large aux valeurs et apports nutritionnels tout comme au taux d’acides aminés qui se trouve dans une seule bouillette!
Si je devais faire une conclusion à cette époque, je pourrais dire que déjà on ne parlait quasi plus que d’acides aminés (AA), d’enzymes et de valeurs nutritionnelles et de nos jours encore c’est +/- encore comme ça.
Quelques grands noms de la scène carpistes ne juraient à cette époque déjà aussi plus que par les Acides Aminés et prétendaient que si ils étaient utilisés à juste dose ils pouvaient avoir le pouvoir d’attirer une carpe grâce à des signaux.
Au début j’étais assez septique sur ce qu’ils affirmaient. D’ailleurs j’étais comme ça avec tout et surtout tout ce qui était nouveau. Mais bon, pour m’en assurer je pris la décision de moi aussi me lancer dans la recherche et de voir ce qu’il en était réellement, ça ne coûte rien d’essayer. Une chance pour moi, à cette époque j’étais déjà sur Internet et c’était une source de données abondante où je trouvais beaucoup d’info pas toujours bonnes, mais la plupart du temps, ces infos m’était bien utiles.
Ceci m’a permis d’économiser une belle somme d’argent que j’aurais sûrement dépensée dans une chambre remplie de bouquins !

Protéines et Acides Aminés, quelle est la différence ?

Si nous analysons tout ça et que nous regardons de plus près on peut dire qu’il y a peu de différences entre les deux. En fait les acides aminés sont tous originaires des protéines, puisque ce sont ces dernières qui entre autres composent une protéine. Il existe 20 acides aminés et ils sont divisés en deux catégories. Il y a les AA essentiels et les AA non essentiels.
Les Acides aminés essentiels sont des parties (= atome) qui composent la protéine (= molécule), ces AA sont très importants et essentiels à la survie

On peut distinguer la :

(Phenylalanine)
Cet AA nous sert a fabriquer des neurotransmetteurs dans le cerveau et a libérer des hormones qui permettent de réguler l’envie de manger.

(Isoleucine)
Aide à prévenir la démolition des protéines musculaires et est aussi utilisé par la membrane musculaire comme source d’énergie.

(Leucine)
Aide à prévenir la démolition des protéines musculaires, et aide à « réparer » les os et la peau lorsque ceux-ci sont cassés ou déchirés.

(Lysine)
Elle est nécessaire à la croissance, le rétablissement de membrane, la production d’anticorps et d’enzymes hormonales.

(Methionine)
Empêche ou plutôt prévient la formation de graisse dans les veines. Mais la Methionine « nourrit » et stimule aussi les yeux.

(Threonine)
Aide à prévenir la formation de graisse au niveau du foie.

(Tryptofaan)
Le cerveau utilise cet acide aminé plus des vitamines et d’autres minéraux comme carburant pour produire de la sérotonine. La Sérotonine est un neurotransmetteur qui régule et stimule l’envie de dormir. Mais ce n’est pas tout, il est aussi utilisé par notre corps pour diminuer la sensibilité d’une douleur.

(Valine)
Empêche la membrane musculaire de se détériorer.


On peut donc bel et bien continuer avec les AA mais on voit bien que les acides aminés sont quelque chose de capital à la survie.
Mais ne vous y trompez pas, jouer avec des AA dans vos cuisines pour confectionner des boules peut être à double tranchant ! Beaucoup pensent que au plus il y a de AA dans leur bouillette au plus elle prendra du poisson, mais c’est faux, surdoser un appât en acides aminés peut être moins attractif que si à l’inverse on le sous dose, c’est quelque chose de très important à savoir.

Voilà, ma première partie s’achève ici.
Dans la seconde partie on continuera à parler des acides aminés, ensuite dans ce même second volet on passera aussi sous la loupe quelques autres ingrédients du moment et j’aimerais aussi dans ce prochain article vous parler des additifs (liquide entre autres).

Bon roulage et à dans deux semaines …
Daniel Legrand

Traduction et photos : Gilles
Publié par Gilles le 12-10-2006
Créé par Actorielweb