Luc Thérace, In Memoriam 1
Parution du Pêcheur Belge, Septembre 2000
Conseils aux débutants
Depuis quelques temps, en me promenant au bord de l’eau, je suis étonné de voir des « néocarpistes » équipés des toutes dernières nouveautés proposées par les fabricants, lesquelles, bien que d’une utilité indéniable, s’avèrent souvent très onéreuses.
Dans le même ordre d’idées, je suis également ébahi par le nombre de « petites annonces » passées dans les magazines spécialisés par des pêcheurs, sans nul doute découragés par la mièvrerie de leurs résultats, lesquelles proposent le rachat de l’intégralité du matériel (souvent « haut de gamme ») nécessaire à un carpiste.
Ces deux constatations ne sont sans doute pas dépourvues de relations entre elles.
Il est certain, comme je l’ai déjà écrit, que l’aspect très sophistiqué de notre matériel et la vue des résultats que l’on obtient en l’employant attirent beaucoup de pêcheurs vers le carpisme…tant mieux !
A ceux-là, qu’il me soit cependant permis de prodiguer quelques conseils, fruits de ma modeste expérience, afin qu’ils ne versent pas trop rapidement dans la déception ou l’abandon.
La carpe ? Pas facile !
Pour mon 14ème anniversaire, ma petite sœur m’avait offert un bouquin sur la pêche de la carpe dont, si ma mémoire ne me fait pas défaut, Raoul Renault était l’auteur, lequel commençait par un préambule que j’ai depuis en permanence présent à l’esprit :
« 1° : la carpe est un poisson très malin ;
2° : la carpe est un poisson très fort ».
Et c’est bien vrai que « cyprinus carpio » est le plus roublard et le plus puissant de nos poissons d’eau douce ; et plus il vieillit, plus ces deux qualités s’amplifient !
Aussi, si vous vous décidez à rejoindre la grande famille des carpistes, ne mettez pas la charrue avant les bœufs et procédez plutôt lentement et méthodiquement.
Les appâts
Jamais les cannes, les moulinets, les fils et les hameçons les plus « performants » n’auront la moindre chance de capturer une carpe si votre esche n’est pas « à la hauteur » ou/et si votre amorçage est inopérant.
Par bonheur, la carpe est un poisson qui se nourrit de (presque) tout.
Si les bouillettes ont « la cote » à l’heure actuelle, c’est simplement parce qu’elles sont faciles d’emploi en toutes circonstances (lancer, amorçage, transport,…) et qu’elles représentent par là un compromis universel.
Bien que j’en ai « roulé » des milliers l’an passé, j’ai capturé mon plus beau poisson avec trois « arachides » ; ne perdez donc jamais de vue l’éclectisme alimentaire de la carpe quand vous préparerez votre poste, tant pour l’attirer que pour la capturer.
Comme beaucoup de carpistes, j’utilise moi aussi principalement des bouillettes.
A notre époque, bien différentes de celle où j’ai débuté dans la discipline, on trouve facilement tous les ingrédients nécessaires à leur fabrication.
N’attendez pas que je vous donne ici la définition de « l’appât miracle », il en existe pratiquement autant qu’il y a de carpistes.
Non, je me contenterai de vous dire que la principale qualité de votre « boule » c’est la confiance que vous lui vouerez.
Par contre, je vous livre ici le moyen que j’emploie pour conforter ma confiance en mes « boilies ».
Je commence toujours par tester mes nouvelles recettes sur divers plans d’eau très poissonneux où la compétition alimentaire est grande, peu importe la taille des poissons ; le nombre des captures me donne déjà de précieuses indications sur leur qualité.
Un premier tri étant ainsi réalisé, je continue la même démarche sur des plans d’eau de plus en plus « difficiles » (rareté des sujets ou/et très pêchés).
Toutes mes recettes actuelles ont subi cet examen approfondi et me donnent grande satisfaction (même celles qui commencent à dater).
Les montages
J’aurais sans doute dû commencer par là !
C’est à mon sens, l’aspect primordial de toute notre démarche.
C’est en effet le montage que vous choisirez qui déterminera la présentation de votre appât à « Dame Carpe » et croyez bien qu’à la moindre de ses défaillances s’ensuivra soit un dédain de l’intéressée pour la meilleure des bouillettes, soit une « casse » mémorable.
Petite expérience « perso »
Je pêche en France avec deux amis toulousains sur un plan d’eau fréquenté avec assiduité par les carpistes.
Depuis plusieurs jours, nous n’avons rien pris et nous tentons diverses méthodes pour essayer de capturer un poisson.
Mon ami Gérard relève une ligne, se saisit de la bouillette flottante qui s’y trouvait et balance celle celle-ci à l’eau ; le vent l’emporte au ras de l’îlot en bordure de poste.
Survient alors une belle carpe commune qui se met en devoir d’inspecter la « boule à Gégé » ; d’abord en l’effleurant du bout des lèvres tout en la retournant pour l’examiner sous toutes ses facettes, puis de plus en plus franchement jusqu’à la moitié du diamètre de la bouillette tout en la recrachant systématiquement après chaque « examen », puis en l’engament pour m’emmener 20 cm sous l’eau et la recracher ensuite en la laissant remonter et, enfin, par s’en saisir pour la dernière fois en l’emmener vers le fond pour la déguster « à l’aise »… 23 minutes après le début de son examen !
Il faut l’avoir vu pour le croire !
Nous en sommes tous restés « comme deux ronds de flan » !
Outre le fait que « Gégé » se soit arraché les quelques rares cheveux qui lui restent (pensez donc… sa seule boule qui aura conquis un poisson n’est pas « reliée » à un des ses lignes !), notre surprise passée, nous essayons de tirer les enseignements de ce que nous venons de voir et décidons de modifier radicalement nos montages afin qu’ils puissent supporter un examen aussi minutieux ; nous prendrons ainsi 6 poissons lors de notre dernier jour de pêche.
Comme pour les recettes, il existe des dizaines de montages ; une fois encore choisissez celui qui vous donne confiance tout en gardant l’esprit suffisamment ouvert vers les adaptations ou les changements qui pourraient améliorer votre rendement.
Et après ?
Et bien je dirai que le reste n’est affaire que de caractère et de budget.
Pêcher la carpe n’est pas seulement s’installer au bord de l’eau avec un bon appât et un bon montage, loin s’en faut !
Il vous faudra beaucoup de courage pour passer des heures et des heures à préparer vos pâtes et « rouler » vos précieuses bouillettes (dans le coin le plus discret possible de la maison pour ne pas précipiter votre divorce !).
Beaucoup de disponibilité aussi pour vous rendre sur les plans d’eau et vous adonner à l’indispensable observation de ceux-ci afin de tenter de localiser les poissons.
Quand le « specimen hunting » vous prendra, vous devrez faite preuve d’une grande abnégation pour garder à l’esprit que les sujets recherchés sont très rares et qu’il en sera de même des touches que vous aurez.
Le matériel dont vous disposerez sera fonction du budget que vous pourrez lui consacrer.
Cependant, n’oubliez pas qu’il vaut mieux aller pêcheur 50 fois avec 20000 F de matériel que 5 fois avec 200000 F de matériel.
L’expérience au bord de l’eau vaut 100 fois le pris de la meilleure des canne à pêche ou de l’écho-sondeur le plus performant.
Il serait sot de nier le confort qu’apporte un matériel « pointu » mais il est tout aussi clair qu’il ne faut jamais sacrifier la pêche au confort.
Et puis, j’ai vu des pêcheurs « branques » comme pas possible avec des cannes de 25000 F en main et d’autres sortir des poissons incroyables à l’aide d’un « laideron » mais avec une technique et une patience dignes d’éloges.
C’est vrai qu’une Ferrari va encore plus vite quand c’est Schumacher qui pilote… n’oubliez cependant pas que même lui a commencé par le karting !
Rappelez-vous bien que le « capot » fait partie intégrante de la vie des carpistes, nous sommes d’ailleurs les seuls qui n’en s’en gaussent jamais puisque ça nous est arrivé et nous arrive encore à tous.
J’espère de tout cœur que, suite à cet article, je vous rencontrerai plus sûrement au bord de l’eau plutôt que de vous entendez au téléphone suite à une petite annonce…
Publié par Seb le 25-07-2013